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Festival de musique ancienne de l’Académie Bach
21 August 2023 de 8h00 à 26 August 2023 de 17h00
“Les mélomanes qui nous suivent depuis des années le savent bien, la musique de Bach est la pierre angulaire de notre programmation. Mais pas à la façon d’une omniprésence systématique, plutôt comme un fil d’Ariane qui nous guide année après année, pour explorer et éclairer l’étendue de ce territoire insondable qu’est la musique.
C’est toujours cette démarche qui est à la source du choix des rendez-vous proposés au public en 2023. Cette année, c’est Maude Gratton qui sera notre invitée pour le cycle d’orgue matinal, avec un parcours sur le thème de l’éloquence chez Bach, construit à la façon d’un discours rhétorique : exorde, narration, épilogue. Un parcours très riche, sur l’orgue d’Arques-la-Bataille et sur celui de l’église Saint-Rémy de Dieppe, mettant en valeur les relations de Bach avec ses contemporains aussi bien que son influence au XIXe siècle.
Claviers toujours, mais du côté des pianos anciens : c’est pour moi un immense plaisir d’accueillir pour la première fois Alexei Lubimov, un très grand artiste, qui jouera sur notre grand Pleyel de 1841 un programme regroupant Mozart, Schubert, Chopin et Brahms. Lubimov a joué un rôle essentiel pour le développement de la musique sur instruments anciens en Union Soviétique, à un moment où cette esthétique était à peine tolérée par le pouvoir. Respecté dans le monde entier, il continue aujourd’hui encore à ne pas se laisser intimider, jouant en concert à Moscou il y a quelques mois la musique du compositeur ukrainien Valentin Silvestrov. Florent Albrecht présentera un programme consacré au genre du Nocturne pour piano, illustré bien sûr par Chopin mais aussi par l’irlandais John Field, qui fut en quelque sorte son modèle. Et puis nous nous laisserons enivrer par les sons chatoyants des grandes œuvres pour quatre mains composées par Fauré, Debussy, Satie et Ravel, en compagnie de Maude Gratton et Rémy Cardinale. Un peu sous-estimé aujourd’hui, le « quatre-mains » mérite une attention renouvelée en tant que pratique musicale et sociale de première importance.
Saut en arrière dans le temps, avec les fascinants motets composés par Philippe de Vitry, évêque de Meaux et musicien, créateur de l’Ars Nova (art nouveau) au début du XIVe siècle. Dans ses motets, de construction très complexe, où des textes différents sont chantés en même temps, il rejoint les partis-pris de verticalité et de lumière qui fondent l’architecture gothique depuis le XIIe siècle. Quelques siècles plus tard, Bach pensera lui aussi la musique à la manière d’un architecte. De son côté, le jeune ensemble Phaedrus fera entendre un des programmes les plus originaux de ces dernières années, constitué de musique italienne du XVIe siècle illustrant les différentes facettes du mythe d’Adonis, appuyé sur la configuration très rare d’un quatuor de flûtes traversières de la Renaissance, de la basse au soprano. Toujours dans un répertoire pré-baroque, l’Achéron et les jeunes chanteurs du Trinity Boys Choir de Cambridge, à la technique vocale stupéfiante, évoqueront pour le public la richesse de la vie musicale à bord d’un navire de SM la Reine Elizabeth 1ère.
Le lien entre musique et théâtralité est fondamental pour l’Académie Bach, depuis sa création. Cette année encore, deux spectacles en témoigneront. « Éclats de femmes » fera entendre la voix des religieuses de Port-Royal, dans leur vie quotidienne, leur souffrance, leur foi inébranlable et leur détermination à ne pas céder face au pouvoir de Louis XIV, bien peu solaire dans cette tragédie qui se termina par la destruction totale du monastère. En lien avec ce mouvement de pensée si important pour le XVIIe siècle français, une journée entière sera consacrée à la commémoration du 400e anniversaire de la naissance de Blaise Pascal, en 1623. D’abord par une série de 5 conférences-rencontres avec quelques-uns parmi les meilleurs spécialistes de Pascal. Et aussi par la création du nouveau spectacle de Benjamin Lazar, Feu, construit sur un dialogue entre la musique et les Pensées de Pascal, elles-mêmes empreintes d’une extraordinaire musicalité. Pour cette création Benjamin Lazar a choisi de faire appel à la technologie du son binaural, qui permet à chaque spectateur-auditeur, équipé d’un casque, de percevoir un son à la fois spatialisé et localisé dans des zones cérébrales très précises, suscitant ainsi une dimension sensitive très particulière. Entendre et ressentir…
Une fois encore, c’est Vox Luminis qui viendra donner le dernier concert du festival, avec l’Ode à Sainte Cécile de Haendel et la première version du Magnificat de Bach, créée en 1723. Par habitude ? J’espère que non ! Mais peut-être parce que cet ensemble, dans son approche artistique intègre et engagée, sans gadget à la mode, sans chef narcissique, est tout simplement devenu, au fil du temps, le meilleur serviteur du répertoire baroque pour chœur et orchestre.
Bach, le luthérien, et Pascal, l’augustinien. Deux univers spirituels et culturels, séparés par « le silence éternel des espaces infinis ». Mais aussi deux génies, bien sûr, capables l’un et l’autre d’une hauteur de vue sans équivalent, et de nous faire accéder, par la profondeur de leurs discours respectifs, au mystère de l’indicible. N’est-ce pas aussi la raison d’être d’un festival ?”